Épisode n°3 : Grenoble les 16 et 17 Septembre 2022 – Lever les freins et définir nos objectifs
Carnet de bord du Grand Défi
Le Grand Défi des entreprises pour la planète fait partie des priorités de l’agence 22EME SIECLE. C’est un objectif de succès collectif. Vous le savez peut-être, nous avons décidé de publier un Carnet de Bord de cette aventure et de le partager avec vous. Cet article est un résumé subjectif de la troisième session délibérative.
Le Grand Défi des entreprises pour la planète nous conduit cette fois dans la Capitale Verte Européenne : Grenoble-Alpes Métropole.
Cette étape est particulière. Elle est marquée par des interventions chargées de concepts hors-cadre et novateurs qui nous ont sérieusement bousculés. Aussi, elle est caractérisée par une forte consolidation du collectif qui plonge concrètement dans l’opérationnel. Cet article portant l’épisode 3 de notre Carnet de Bord en est donc le reflet. La thématique : « Lever les freins et définir nos objectifs »
Bonne lecture.
Une formation 2 tonnes à 300 km/h
2 tonnes équivalent CO2 par an, c’est la quantité de gaz à effet de serre émise par personne dans un monde neutre en CO2. C’est l’objectif d’ici 2050 pris lors de l’Accord de Paris. C’est fondamental de le savoir car si nous imaginons vivre dans un monde équilibré et en paix, nous devons viser moins de 2 tonnes de CO2 par an et par personne pour laisser à de nombreux pays la marge suffisante pour se développer et atteindre un niveau de vie décent. Pour comprendre ce dernier point n’hésitez pas à lire : Carnet de bord du Grand Défi. N°2 : Rôle, Responsabilité et Impact.
Nous en sommes très très loin puisque la moyenne d’un français est presque de 10 tonnes CO2/an. La bonne nouvelle, c’est que notre marge de manœuvre est immense. C’est l’objet de l’atelier 2 tonnes, imaginé par l’équipe de Pierre-Alix Lloret : nous expliquer quels sont nos leviers principaux et ceux qui constituent de l’affinage (par la suite essentiels également).
Pour notre déplacement à Grenoble, la SNCF a mis à disposition une rame de TGV. L’écosystème du Grand Défi est donc réuni pour le trajet. Il y a un comme un goût de séminaire ou de classe de vacances. C’est agréable de se conditionner de cette manière lors de notre voyage.
Au cours de l’aller vers Grenoble, j’ai la chance de découvrir et de participer à un atelier “2 tonnes”. Il est offert dans l’espace bar pour sensibiliser les voyageurs à propos de notre empreinte écologique.
A 300km/h c’est la formation la plus rapide à laquelle j’ai pu assister. Elle se tient dans le cadre de la Semaine Européenne du Développement Durable. Merci, quelle entrée en matière pour cette troisième session du Grand Défi.
Une ouverture de la plénière en forme de montagnes russes
Cette plénière s’ouvre sur des constats scientifiques inquiétants et sur des données rassurantes concernant l’écosystème du Grand Défi des entreprises pour la planète.
En plénière le vendredi matin, le ton est immédiatement donné avec une citation de Winston Churchill “Mieux vaut prendre le changement par la main, avant qu’il nous prenne par la gorge”.
C’est Virginie Raisson-Victor qui ouvre cette quatrième session en remontant le temps pour faire écho à notre époque. Il y a 50 ans, il y avait quelques sentinelles de l’environnement incarnées par Haroun Tazieff, Jacques-Yves Cousteau et Paul-Emile Victor. “Si ces personnalités vivaient aujourd’hui, elles pourraient constater plusieurs points de bascule importants liés à leurs luttes.”
Non seulement celui des consciences, accéléré par les catastrophes écologiques qui marquent nos actualités dans le monde. Le déni climatique est une posture en voie de disparition.
Mais également des points de bascule environnementale :
- Dégel du pergélisol (qui relâche de grandes quantités de CO2 et CH4).
- Fonte des calottes glaciaires en Antarctique (qui provoque l’élévation du niveau des océans lui-même en cours de dilatation avec le réchauffement).
- Fonte des calottes glaciaires en arctique (Groenland) qui non seulement provoque les même effet de montée des eaux mais aussi, relâche de l’eau douce dans la mer, ce qui nuit au mécanisme du Gulf stream et donc à la douceur des températures au nord-ouest de l’Europe.
- Mort de récifs coralliens (qui met en péril le cycle de l’eau tel que nous le connaissons).
Il n y aura pas de retour en arrière et c’est ce qu’il faut comprendre non seulement sur ces crises écologiques majeures, mais également sur le rôle fondamental du Grand Défi pour contribuer à inverser ces tendances.
Ensuite Valérie Brissac, directrice du Grand Défi, évoque des chiffres qui mettent en confiance. En effet, notre écosystème (premier cercle) représente collectivement :
- 123 milliards d’euros de CA
- 174 entités impliquées
- 477 000 salarié.e.s
Cela nous conforte sur les potentiels importants qui peuvent être activés de la part du collectif des entreprises déléguées, des marraines et des partenaires.
L’implication forte des délégué.e.s du Grand Défi au-delà du processus normal
Le Grand Défi des entreprises pour la planète, c’est trois temps principaux : une consultation nationale pour sonder les entreprises (plus de 60 000 contributions), une délibération de six mois avec une centaine de délégué.e.s d’entreprises et une diffusion des propositions qui auront été générées par le parcours d’intelligence collective.
En parallèle de ce processus prévu par l’équipe organisatrice, quatre groupes thématiques se sont constitués spontanément ces dernières semaines. Ils travaillent en marge des sessions afin de contribuer à la réussite du dispositif global. L’idée est de renforcer l’ensemble et maximiser les chances de réussite.
Oui, tout ce processus implique de l’investissement en temps, en compétence et en numéraire de la part des dizaines de personnes et d’entreprises impliquées. A notre stade, toutes les parties prenantes souhaitent optimiser notre capacité collective à réussir. Ce Grand Défi est exceptionnel et innovant à de nombreux titres, alors augmenter encore un peu les investissements pour arriver à nos objectifs et garantir les premiers investissements, c’est un bon calcul.
Quels sont ces groupes de travail créés de manière spontanée ? Quelques mots sur leur substance et leurs objectifs :
- Inventaire des propositions déjà existantes. La raison d’être de ce groupe repose sur un constat : de nombreuses organisations ont déjà planché sur des problématiques connexes. Il ne s’agit pas de perdre du temps à réinventer ce qui existe déjà. Mieux vaut s’inspirer de ce qui a déjà été pensé de meilleur ! D’ailleurs, cette session grenobloise est l’occasion de recevoir quelques organisations qui ont déjà phosphoré, de les écouter, de les challenger à la fois sur le processus et sur les résultats de leurs travaux. Un véritable privilège ! Merci pour cela à l’équipe organisatrice.
- Analyse sectorielle. Cette équipe a pour objet d’identifier les besoins spécifiques de secteurs sélectionnés (BTP, agroalimentaire, transport, numérique) et de se focaliser sur des mesures ayant le plus d’impact en cœur de métier.
- Inventaire juridique. L’idée est de recenser le dispositif normatif existant au regard des secteurs visés ci-dessus. Ces normes nationales, européennes ou internationales (traités, directives, règlements, lois, décrets, et décisions de justice) sont en cours de référencement grâce à ce groupe. Les connaître est la base. Certaines normes sont perdues et éparpillées. Mais dans les faits, elles sont à appliquer purement et simplement. D’autres constituent un socle à améliorer ou encore une source d’inspiration pour la rédaction de nos propositions.
- Communication. Ce groupe a pour objectif de médiatiser le Grand Défi et ses avancées. Nous avons remarqué que certaines expérimentations du même ordre telle que la Convention Citoyenne pour la Climat n’ont pas reçu l’écho médiatique nécessaire pour être visible et intégrées dans les agendas des politiques ou des grands médias. Faire monter en puissance la résonance des travaux du Grand Défi dès maintenant en fera un sujet incontournable au moment de la diffusion des propositions.
Ces 4 groupes de travail mobilisent les délégué.e.s en dehors des réunions de délibération.
Cette organisation spontanée démontre deux choses :
- qu’une profonde motivation anime les participant.e.s et leurs entreprises. Elles dépassent leurs investissements prévus chaque mois pour le processus normal. Ces personnes dégagent du temps et des compétences pour maximiser les chances de réussite du Grand Défi.
- que le collectif a basculé dans l’opérationnel au-delà des ateliers d’intelligence collective au programme des 12 journées de session délibérative.
De manière subjective, j’ai même senti une forme de bouillonnement, d’impatience. L’envie d’accélérer le processus de rédaction transpire des délégué.e.s. Ce sentiment est sans nul doute à relier avec l’échéance de décembre, notre date butoire qui arrive à grand pas.
Cette implication forte des délégué.e.s au-delà du processus normal est de très bonne augure.
L’implication de l’agence 22EME SIECLE dans la communication du Grand Défi
Je suis délégué de l’agence 22EME SIECLE dans le cadre du processus de délibération pendant 6 mois. Dès la première session à Nantes, j’ai engagé 22EME SIECLE pour renforcer l’équipe communication du Grand Défi.
Depuis quelques semaines, je tente d’infuser le groupe concernant notre immense potentiel collectif en matière de communication. L’urgence de communiquer d’un seul corps dès maintenant pour monter en puissance et être dans les radars des médias au moment où nous publierons nos propositions est devenu une évidence pour l’écosystème. À l’arrivée à Grenoble nous étions 2 dans ce groupe. En cours de session, notre équipe s’est renforcée de nouvelles personnes et nous sommes désormais 8 délégué.e.s.
A notre retour, nous avons outillé et structuré notre team sur fond de méthodes numériques collaboratives afin de travailler efficacement en asynchrone. C’est aussi pour prendre en compte notre éclatement géographique dans l’hexagone et nos emplois du temps professionnels, bien denses en dehors du Grand Défi.
En l’espace de deux semaines suivant la session de Grenoble, nous avons élaboré un plan de communication pour le mois d’octobre, créé les visuels, rédigé les éléments de langage et édité une tribune co-construite avec le reste des délégué.e.s. Tous ces outils de communication ont été fondés sur les informations premium que nous avons reçues lors des deux premières étapes à Nantes et à Lille.
L’opération de communication collective que nous portons dans notre groupe va se déployer chaque semaine pendant 4 mois. Elle est lancée avec succès le mardi 4 octobre à 8h. Les premiers résultats annoncent une montée en puissance à la hauteur de nos besoins de rayonnement. C’est enthousiasmant et rassurant pour la suite du processus.
Dans cet épisode 3 du Carnet de Bord, nous reviendrons sur quelques idées phares qui se dessinent dans les ateliers. Mais avant, nous vous proposons de partager avec vous, des connaissances que nous avons recueillies à travers les interventions de haut niveau qui se sont succédées. Quel privilège !
Les nouveaux modèles économiques
Changeons nos cadres de référence (part 1).
Diego LANDIVAR – La Redirection Écologique
Redirection écologique ? Cette intervention bouscule quelques concepts établis. En toute franchise, après avoir écouté Diego m’est venue l’idée de la Start Down Nation en lieu et place de la Startup Nation.
Diego LANDIVAR est Docteur en sciences économiques, directeur du laboratoire Origens Média Lab. Pour lui, nous manipulons actuellement des concepts dont la terminologie n’est pas assez précise. Elle ne nous entraîne pas vers la recherche de solution mais provoque des contresens et au mieux de l’inertie.
Par exemple, il préfère parler de redirection écologique plutôt que de transition écologique.
Le mirage de la transition écologique
La compensation carbone ne fonctionne pas. Nous l’avons vu avec Sophie Spodza (groupe N°1 du GIEC) : “on ne compense pas carbone, ce qui est émis est émis”. Si vous n’avez pas lu le premier épisode de notre Carnet de Bord, nous vous invitons à prendre le temps de la lecture. Carnet de bord du Grand Défi. N°1 : Diagnostic et Enjeux
La transition énergétique est une croyance fausse. Les énergies ne vont pas se substituer les unes aux autres. Dans la réalité c’est une superposition des modes de production. Tous les graphiques sur l’évolution des consommations d’énergie le démontrent. Il n y a jamais eu de transition d’un ancien mode de production à un nouveau. Elles s’accumulent les unes aux autres. Cette croyance se cogne également à la réalité de temps. Il faudrait 400 ans pour envisager une transition du système productif. Ce temps, nous ne l’avons pas.
Aussi, la transition écologique ne suppose aucun renoncement. La doxa diffuse l’idée selon laquelle nous allons trouver les moyens techniques de tout concilier. L’innovation est au cœur de la résolution des enjeux. Le miracle technologique nous permettrait d’être transparents et en phase avec les limites planétaires. Les inventions high tech pourraient même restaurer les conditions d’habitabilité et les écosystèmes dégradés. Cette affirmation de Diego nous l’avons déjà croisée avec Bernard LECAS (à retrouver également dans le Carnet de bord du Grand Défi. N°1 : Diagnostic et Enjeux). En substance, nous l’avons déjà compris, ni l’hydrogène vert, ni l’impression 3D, ni la captation de CO2, ni les fermes verticales ne sont des technologies sur le point d’être opérationnelles. Selon Diego, le mythe de la technologie au secours de nos maux est inhérente à cette notion de transition écologique.
La redirection écologique et l’obligation de renoncer.
Au contraire, de la transition Diego nous parle de la notion de redirection écologique. Elle suppose de reconsidérer nos activités afin qu’elles soient en cohérence avec les limites planétaires.
Avons-nous le choix alors que nous vivons un basculement des conditions de vie sur Terre et d’habitabilité ? La redirection écologique implique un arbitrage entre ce qui est essentiel et ce à quoi nous devons renoncer.
La redirection écologique invite à un arbitrage par rapport à une finalité stratégique : prospérer dans un monde durable. Cette notion invite donc à abandonner certains secteurs d’activité nuisibles à cet objectif. Comment faire pour renoncer de la bonne manière ? Quelles sont les activités avec lesquelles nous devons rompre ? Dans cette optique de choix, Diego affirme la nécessité d’avoir recours à un processus démocratique.
Au sein d’Origens Media Lab, Diego conçoit pour le compte d’entreprise et de collectivités territoriales des protocoles de renoncement. Le renoncement est à comprendre comme l’art de la fermeture d’activité. Il est chargé par les gouvernances de sonder dans l’entité l’activité qu’il n’est plus possible de soutenir. Diego mesure la réussite des accompagnements menés avec Origens Media Lab en comptant ce qui a permis d’éviter ; ce qui ne se fait pas ou ne se fait plus. Sa cible première : les projets écocidaires.
Plus qu’un incubateur de projet, il nous parle de désincubateur.
La schizophrénie du patronat
Le patronat vit une forme de solitude car d’un côté, il est poussé culturellement vers la croissance et de l’autre, il est conscient des dépendances de son entreprise à l’égard de l’environnement. En effet, les entreprises découvrent aujourd’hui qu’elles sont assises sur un actif invisible qui va disparaître alors qu’il semblait inépuisable. A tel point, que ces dépendances mériteraient d’être cartographiées au sein des entreprises. Aujourd’hui elles n’apparaissent même pas dans la comptabilité, outil principal de gestion. Diego parle de territoires fantômes d’où proviennent nos ressources et nos dépendances.
Pourtant, Diego constate que certaines entreprises ou collectivités adoptent un comportement logique face à cette prise de conscience. Pour elles, “la décroissance est devenue le principal horizon d’optimisation financière.” A moyen terme, c’est une question de survie économique.
Le patronat est souvent entouré d’ingénieurs qui sont aujourd’hui des top managers. Ces brillants cerveaux ont été formés à la rationalité des mathématiques. Leur travail est d’optimiser sous contrainte. Le problème est que cela fait 40 ans que nous agissons sans contrainte.
Finalement, on assiste à une tendance généralisée des marchés, qui pour des raisons écologiques et de raréfaction des ressources, s’adressent non plus aux masses mais aux futurs survivants. En effet, aujourd’hui on assiste à une tactique qui consiste à réserver les ressources au profit des plus riches et quitter les marchés de masse.
Des industries, fleurons de nos économies, reposent sur des technologies zombies. Ces dernières sont soutenues par les banques et les États alors même qu’elles sont mortes écologiquement. Elles ne sont pas compatibles avec les enjeux climatiques et de biodiversité. Elles sont caduques alors même qu’elles sont poussées par les entreprises.
Par exemple, le SUV, ce n’est pas possible, même en imaginant de nouvelles technologies.
Nous découvrons les impacts colossaux derrière les sports. Mais est-ce que tous les territoires du monde doivent accueillir tous les sports du monde ? La réponse est non.
Diego affirme que la startup nation est à l’opposée de la réalité des limites planétaires. “Aujourd’hui, nous devons passer chaque projet aux fourches caudines des limites planétaires en plus des considérations comptables, fiscales, …”
L’exemple sublime de Patagonia nous entraîne sur une évolution de rupture en termes de gouvernance au sien de cette entreprise. L’arbitrage y est au cœur. La gouvernance est fondée sur les limites planétaires.
Pour ce qui concerne l’entreprise, Diego nous conseille de ne pas refuser les moments de tension liés aux discussions entre toutes les parties prenantes. L’urgence climatique n’est pas négociable. On ne peut pas se permettre de diluer les idées de bon sens.
Avec les deux interventions suivantes, nous travaillons sur les freins que rencontrent deux entreprises dans le cadre de leurs transformations.
Les nouveaux modèles économiques
Changeons nos cadres de référence (part 2)
Alexandre RAMBAUD – La comptabilité écologique
Alexandre Rambaud est Docteur en mathématiques et en sciences de gestion. Il est enseignant-chercheur à AgroParisTech.
Pour lui, la comptabilité écologique devient un enjeu majeur au niveau mondial. Des règles sont en train d’être mises en place pour les futurs marchés économiques.
G7 environnement 2019 : Bruno Le Maire évoque la comptabilité écologique comme un enjeu majeur pour la France.
La comptabilité est “le langage des structures” (plus large que les entreprises). “C’est une sorte d’architecture des activités humaines organisées ou à organiser.”
La comptabilité est un outil de gestion fondamental pour que les activités tiennent debout. C’est d’ailleurs pour cela qu’on parle de plan de comptabilité.
Elle émerge en -8000 av JC au moment où l’on se sédentarise. Elle est aussi à l’origine de l’écriture car c’est la première fois que l’on pose des systèmes pour transmettre de l’information – communication codifiée. Elle représente et classifie. Elle permet une organisation et une responsabilisation : “être comptable de ses actes.”
“Soit on reste dans une comptabilité aveugle et centrée sur les modèles économiques soit nous intégrons les enjeux écologiques pour faire face aux enjeux réels.”
En fait, si la compta est un outil pour piloter sa structure, alors à quoi sert une comptabilité qui ne prend pas en compte les éléments de la réalité de la structure.
Les choses sont claires.
Laurence RUFFIN – ALMA – Retours d’expérience d’une évolution permanente
La gouvernance
Laurence RUFFIN est l’incroyable PDG d’Alma une société internationale d’édition de logiciels.
Pour Laurence, dans les nouvelles formes d’entreprises on parle régulièrement d’impact et peu de gouvernance. Pourtant, elle considère qu’il est fondamental de travailler également et en parallèle pour impliquer les salariés.
Chez Alma, les salariés sont associés. Cela permet de créer un lien différent au sein de l’entreprise. Il y plus de transparence avec tous les “almaciens”. Ces derniers sont citoyens de l’entreprise, donc ils peuvent participer aux décisions essentielles. La participation active des salariés est une force pour la dynamique et les résultats de l’entreprise.
Inclure les salariés, c’est aussi leur offrir les moyens de se mettre en action et de comprendre les enjeux de gestion d’une entreprise. C’est ainsi qu’elle impulse des formations techniques qui les outillent en ce sens.
Partage de la valeur et pérennité de la structure
OK l’entreprise doit être rentable mais qu’est ce qu’on fait de la valeur qui est générée ?
Alma est une SCOP, une société coopérative avec 3 bénéficiaires de la structure :
- Les salariés (chez Alma 50% du résultat est redistribué)
- Les communs (comment on fait pour que l’entreprise soit durable dans le temps ? Chez Alma on laisse une partie des fonds dans l’entreprise. 30% des fonds – environ 3 millions d’euros appartiennent à Alma).
- Les associés (pour reconnaître le capital).
Pour éviter les grandes distorsions qui provoquent des frustrations et de l’injustice, le plus grand écart entre les salaires est de 2,5%.
L’impact environnemental de l’entreprise est arrivé plus tard
La question environnementale est arrivée plus tard car ce n’était pas dans la culture de l’entreprise. C’est devenu un des piliers d’Alma. Le virage culturel s’est adossé à une démarche de sensibilisation des parties prenantes et à la réalisation d’un bilan carbone.
Le bilan carbone a conduit :
- Énergie : isolation thermique et efficacité énergétique des locaux.
- Transport et mobilité : télétravail / borne électrique / …
- Les placements financiers : 2 millions dans des placements environnementaux. Renoncement à l’aménagement d’un terrain pour construire de nouveaux bâtiments. Les bâtiments existants ont été réaménagés. Le terrain acheté a été mis à disposition de la biodiversité (les salariés et une association s’en charge).
- Matériel : on ne remplace pas nos téléphones ou nos ordinateurs à chaque nouveau modèle. Politique d’achat responsable et de réemploi.
- Restauration locale et bio.
Laurence a réussi à fédérer ses équipes pour transformer son entreprise. Aujourd’hui, elle imagine de nouvelles activités vertueuses qui sont fondées sur les savoir-faire d’Alma. Elle travaille sur les métiers et se pose deux questions principales : qu’est ce qu’on produit ? A qui nous vendons ?
Nous l’aurons compris, Alma n’est pas un modèle statique, c’est un système évolutif dans un monde qui se transforme. Nous pouvons penser que cette transformation du monde, Laurence et ses équipes y contribuent. Merci pour ces retours inspirants pour nos entreprises.
Écouter les scientifiques et mesurer nos impacts
Heïdi SEVESTRE – témoin des changements climatiques
Heïdi Sevestre est une glaciologue française.
“Nous sommes là pour trouver des solutions.” (elle s’adresse à l’auditoire des délégué.e.s du Grand Défi)
L’intervention d’Heïdi est vertigineuse et chargée d’énergie. Les données qu’elle mesure et nous divulgue ne laisse aucun auditeur de marbre, au contraire. Nous sommes toutes et tous touché.e.s par cette personnalité joyeuse. Les informations qu’elle nous communique sont pourtant catastrophiques.
Les glaciers sont des alliés en voie de disparition
Pour elle, les glaciers sont vivants. Ils sont attirés par la gravité vers le bas.
Certains bougent de 50 mètres par jour. D’autres de quelques millimètres par an.
Avec les changements climatiques leurs comportement se modifient.
Les glaciers peuvent révéler l’invisible. C’est le meilleur baromètre de l’augmentation de température.
Les glaciers ne sont donc pas de simples couches inertes, ils rendent des services écosystémiques :
- 70% des réserves d’eau potable
- Alimentation des rivières
- Transport fluvial
- Production électrique
- Refroidissement des centrales électriques
- Tourisme
Nous assistons à l’extermination des glaciers en Europe. Les glaciers s’effondrent.
Nous sommes sur la trajectoire du pire des cas.
Il reste 3000 glaciers tropicaux. Pour eux c’est déjà trop tard. Leur seuil est de +1°C.
Les autres glaciers du monde vont disparaître à partir de 1.5 / 2°c
Les calottes polaires sont fondamentales pour les équilibres
A quoi servent les calottes polaires (Antarctique) ?
Les carottes de glace permettent d’analyser les bulles d’air emprisonnées dans la glace. Et cela nous permet de remonter le temps pour reconstruire les climats passés.
Le climat a toujours évolué entre des périodes de glace et des périodes sans glace. C’est très régulier en terme de fréquence. Mais avec les activités humaines, cette fréquence et son intensité ont été fortement modifiées.
L’effet albédo des calottes polaires est fondamental. Mais ces surfaces blanches sont en train de changer de couleur. Les feux de forêt déposent des couches noires sur la glace. Au lieu de refléter la chaleur, la glace absorbe la chaleur et cela accélère la fonte.
La fonte relâche de l’eau dans les océans et cela augmente le niveau des océans.
Si la glace fond au Groenland l’augmentation du niveau des océans est de 7 mètres.
Les barrières de glace doivent être protégées
La barrière de glace flotte sur l’océan. Vous le saviez ? Moi non. Ce sont des bouchons qui évitent que l’ensemble de la glace se jette dans l’océan. Ces barrières se désintègrent actuellement. Notre futur dépend de la présence de ces barrières de glace. Cet environnement est beaucoup plus sensible que Heïdi ne l’imaginait.
A partir de 1.5°c, on ne peut plus arrêter la décomposition du Groenland et de l’ouest de l’Antarctique. Plusieurs mètres d’augmentation du niveau des mers seraient alors notre seule perspective.
Pour arriver à éviter les 1.5°c, il faut diviser par 50% nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. En version simplifiée, “il faudrait enchaîner au moins 8 années de COVID.”
De quoi motiver encore plus nos actions positives pour lutter contre les changements climatiques en imaginant un nouveau modèle économique. C’est l’enjeu du Grand Défi d’y contribuer.
Épisode n°3 : Grenoble les 16 et 17 Septembre 2022 – Lever les freins et définir nos objectifs
Pour conclure ce deuxième épisode du Grand Défi
Une nouvelle fois, l’équipe du Grand Défi a organisé cette session de main de maître. Le groupe est déterminé à réussir et il est plongé dans l’opérationnel au-delà du parcours officiel.
Nous l’avons vu à travers les 4 groupes ad hoc qui se sont constitués. De nombreux ateliers d’intelligence collective nous ont plongés dans la réalité de notre objectif de restitution qui approche à grand pas (décembre). Volontairement, nous ne les avons pas détaillés ici car nous souhaitons laisser les idées se forger. Aucune inquiétude à ce propos, le but sera bien de les diffuser le plus largement possible. Préservons encore l’intimité de la pensée à ce stade.
Nous avons eu le plaisir dans cet article de partager de manière subjective, les éléments forts des différentes interventions.
Des entrepreneurs du territoire qui transforment notre modèle économique et social par leurs actions à l’intérieur et à l’extérieur de leurs structures. Des scientifiques et chercheurs de très hauts niveaux qui cultivent des concepts innovants, des données de première main.
Cette session nous a bousculé et nous allons nous aussi, décoloniser encore un peu nos imaginaires pour reconsidérer certaines approches entrepreneuriales.
J’espère que ces quelques lignes vous permettrons, à votre manière, de métamorphoser positivement vos idées pour les mettre en action à votre tour.
Si ces propos vous ont touchés, n’hésitez pas à partager cet article.
Nous ne manquerons pas de publier sur ce blog, le quatrième article du Carnet de Bord de notre Grand Défi. Le rendez-vous est lancé à Caen dans un lieu est en phase avec notre démarche : Le MOHO.
A bientôt,
#WATFF
(We Are The Fantastic Futures)
Raphaël Bosch Joubert
Délégué du Grand Défi des Entreprises pour la Planète
Président de 22EME SIECLE